Rare avant 65 ans, la maladie d’Alzheimer se manifeste d’abord par des pertes de mémoire, suivies au cours des années par des troubles cognitifs plus généraux et handicapants. Outre l’âge (l’incidence de la maladie augmente après 65 ans et explose après 80 ans), l’environnement joue également un rôle important comme l’affirme l’Inserm à ce sujet. En effet, « des facteurs de risque cardiovasculaires (diabète, hypertension artérielle, hyperlipidémie) non pris en charge à l’âge moyen de la vie sont par exemple associés à une survenue plus fréquente de la maladie, sans que l’on sache encore par quels mécanismes. », indique l’organisme La sédentarité (état d’éveil caractérisé par une dépense énergétique égale ou inférieure à 1,5 METs) en position assise, inclinée ou allongée) est un autre facteur de risque, ainsi que les microtraumatismes crâniens constatés chez certains sportifs (joueurs de de rugby ou boxeurs) ou encore des anesthésies répétées. À l’inverse, le fait d’avoir fait des études et d’avoir eu une activité professionnelle stimulante ainsi qu’une vie sociale active, semble retarder l’apparition des premiers symptômes et leur sévérité.
Et pour cause : dans ces conditions, le cerveau bénéficierait d’une « réserve cognitive » qui permet de compenser, au moins pour un temps, la fonction des neurones perdus. Cet effet serait lié à la plasticité cérébrale, un phénomène qui traduit l’adaptabilité permanente de notre cerveau. A ce titre, de nombreuses études menées dans divers pays ont prouvé que les personnes dont l’activité physique est régulière et soutenue présentent un risque moindre d’être atteintes de maladies neurocognitives. Encore faut-il savoir quelle sorte d’exercice physique pratiquer et dans ce domaine, des chercheurs affiliés à l'Université fédérale de São Paulo et à l'Université de São Paulo apportent leurs propres éléments de réponse puisque leur étude publiée dans la revue Frontiers in Neuroscience recommande de miser des exercices d'entraînement de résistance. Pour rappel, ces derniers consistent à provoquer une contraction des muscles contre une résistance externe et qui permet d’augmenter la capacité « force musculaire » en soulevant des poids légers à moyens, en utilisant le poids du corps ou des bandes élastiques comme source de résistance.
L’entraînement en résistance est bénéfique pour la masse musculaire, la force et la densité osseuse
L’équipe scientifique s’est intéressé à cette pratique physique pour deux raisons, la première étant que l’OMS recommande aux adultes « de pratiquer 2 fois par semaine ou davantage des activités de renforcement musculaire d’intensité modérée ou supérieure, qui sollicitent les principaux groupes musculaires, celles-ci procurant des bienfaits supplémentaires pour la santé. » Il s’avère en effet que l’organisme les recommande « pour entraîner l'équilibre, améliorer la posture et prévenir les chutes. » L’équipe scientifique estime donc que « les exercices de résistance sont considérés comme une stratégie essentielle pour augmenter la masse musculaire, la force et la densité osseuse, et pour améliorer la composition corporelle globale, la capacité fonctionnelle et l'équilibre. Ils aident également à prévenir ou à atténuer l’atrophie musculaire, facilitant ainsi les tâches quotidiennes. » La deuxième raison évoquée n’est autre qu’il est peu probable que les patients atteints de démence soient capables d'effectuer des exercices aérobiques de haute intensité et ce alors même qu’ils sont au centre de la plupart des études sur la maladie d'Alzheimer.
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Pour observer les effets neuroprotecteurs de cette pratique, les chercheurs ont mené des expériences impliquant des souris présentant une mutation responsable d'une accumulation de plaques amyloïdes, des agrégats qui se forment autour des neurones notamment lors de certaines maladies neurodégénératives comme la maladie d'Alzheimer. Pour rappel, deux types de lésions sont observés dans le cerveau des malades : des plaques amyloïdes, constituées d’agrégats de peptide bêta-amyloïde entre les neurones et une dégénérescence neurofibrillaire soit l’accumulation sous forme de fibres, à l’intérieur des neurones, d’une autre protéine sous forme anormale, la protéine Tau. Ces lésions cérébrales sont présentes de nombreuses années avant l'apparition des symptômes. Au cours de l'étude, les souris ont été entraînées à gravir une échelle de 110 cm avec une pente de 80° et 2 cm entre les échelons. Des charges correspondant à 75 %, 90 % et 100 % de leur poids corporel étaient attachées à leur queue. Le but : reproduire l’expérience de certains types d’entraînement en résistance entrepris par des humains dans des centres de fitness.
À la fin d'une période de formation de quatre semaines, des échantillons de sang ont été prélevés pour mesurer les taux de corticostérone, l'hormone chez la souris équivalente au cortisol chez l'homme. Cette analyse a son importance, au regard d’une hypothèse scientifique quant au fait qu’un niveau élevé de cette hormone en réponse à un stress chronique augmente le risque de développer la maladie d'Alzheimer. Les résultats ont montré que les niveaux de cette hormone étaient normaux (égaux à ceux trouvés dans le groupe témoin comprenant des animaux sans mutation) chez les souris ayant pratiqué l’activité physique. En outre, l'analyse de leur tissu cérébral a montré une diminution de la formation de plaques bêta-amyloïdes, dont plusieurs études récentes ont confirmé que la présence permettrait de diagnostiquer les personnes qui souffrent de la maladie d’Alzheimer, voire de prédire les patients qui développeront la maladie. « Cela confirme l’idée que l'activité physique peut inverser les altérations neuropathologiques qui provoquent les symptômes cliniques de la maladie. », explique Henrique Correia Campos, premier auteur de l’étude.
La deuxième étape de l’étude a consisté à observer le comportement des animaux pour évaluer leur anxiété lors d’un test qui mesure l'évitement de la zone centrale d'une boîte, la zone la plus stressante. Et il s’avère que les exercices de résistance ont permis aux souris avec le phénotype associé à la maladie d'Alzheimer de réussir aussi bien cette étape que les souris témoins. Autrement dit, ils se sont avérés utiles pour réduire les hypermouvements induits par l'anxiété chez ces souris génétiquement sujettes à un état semblable à celui de la maladie d'Alzheimer. « Les exercices de résistance s'avèrent être de plus en plus considérés comme une stratégie efficace pour éviter l'apparition des symptômes de la maladie d'Alzheimer sporadique (non directement causée par une seule mutation génétique héréditaire) qui est multifactorielle et peut être associée au vieillissement, ou pour retarder leur apparition dans le cadre familial. », attestent les chercheurs. Ces derniers soupçonnent que l’explication principale quant à cet effet bénéfique pourrait être en lien avec l'action anti-inflammatoire de l'exercice de résistance sur le cerveau.
En effet, si les mécanismes physiologiques, métaboliques et biologiques expliquant l'effet positif de l’exercice sportif sur l'inflammation ne sont pas encore clairement élucidés, il est établi que plusieurs mécanismes pourraient se produire de manière complémentaire dans l’organisme afin de la réduire en réponse à une activité physique. A commencer par le fait que les myokines, protéines bioactives sécrétées par les muscles, favoriseraient un milieu anti-inflammatoire sain. Bien que ces premiers résultats doivent être confirmés chez l’Homme grâce à d’autres recherches, les chercheurs espèrent d’ores et déjà que ces premières conclusions soient utilisées pour élaborer des politiques publiques rentables afin de réduire la prévalence de la maladie d'Alzheimer. A noter que s’il n’existe pas encore de recommandations officielles dans ce domaine précis, la Fondation Alzheimer recommande par exemple de pratiquer une activité physique régulière sur le long terme deux à trois fois par semaine, le mieux étant de le faire en groupe pour rester motivé mais aussi maintenir des relations sociales qui stimuleront aussi le cerveau.