Après avoir analysé 3 049 normes fédérales produites en 2020, la Faculté de santé publique de l’Université de São Paulo-USP et Conectas Droits Humains montrent pourquoi le Brésil a déjà dépassé les 212 000 morts de la Covid-19.
La ligne du temps la plus macabre de l’histoire de la Santé publique au Brésil émerge de la recherche sur les normes produites par le gouvernement de Jair Messias Bolsonaro sur la pandémie de Covid-19. Dans un effort commun, depuis mars 2020, le Centre de recherche et d’étude du droit sanitaire (CEPEDISA) de l’École de santé publique (FSP) de l’Université de São Paulo (USP) et Conectas Droits Humains, l’une des organisations de justice les plus respectées d’Amérique latine, se consacrent à la collecte et à l’analyse des normes fédérales et des États relatives au nouveau coronavirus, élaborant un bulletin intitulé Droits dans la pandémie - Cartographie et analyse des normes juridiques en réponse à la Covid-19 au Brésil. Dans l’édition spéciale publiée ce jeudi 21 janvier, ils font une déclaration fracassante : « Notre recherche a révélé l’existence d’une stratégie institutionnelle pour la propagation du virus, promue par le gouvernement brésilien sous la houlette de la Présidence de la République. »
Obtenue en exclusivité par EL PAÍS, l’analyse de la production des ordonnances, mesures provisoires, résolutions, instructions normatives, lois, décisions et décrets du gouvernement fédéral, ainsi que le relevé des discours publics du président de la République, dessinent la carte qui a fait du Brésil l’un des pays les plus touchés par la Covid-19 et qui, contrairement à d’autres pays du monde, ne dispose toujours pas d’une campagne de vaccination avec un calendrier fiable. Il n’est pas possible de mesurer combien des 212 000 décès de Brésiliens auraient pu être évités si, sous la responsabilité de Bolsonaro, le gouvernement n’avait pas mené un projet de propagation du virus. Mais il est raisonnable de dire que de nombreuses personnes auraient, aujourd’hui, leur mère, leur père, leur(s) frère/sœur(s) et leur(s) enfant(s) en vie s’il n’y avait pas eu un projet institutionnel du gouvernement brésilien de dissémination de la Covid-19.
Selon l’étude, il y a une intention, un plan et une action systématique dans les réglementations gouvernementales et dans les manifestations de Bolsonaro. Dans son éditorial, la publication affirme : « les résultats dissipent l’interprétation persistante selon laquelle il y aurait incompétence et négligence de la part du gouvernement fédéral dans la gestion de la pandémie. Au contraire, la systématisation des données, bien qu’incomplète en raison du manque de place de publication pour tant d’événements, révèle l’engagement et l’efficacité de l’action de l’Union en faveur d’une large propagation du virus sur le territoire national, clairement affichée dans l’objectif de reprendre l’activité économique le plus rapidement possible et quel qu’en soit le prix. Nous espérons que cette ligne du temps offre une vue d’ensemble d’un processus que nous vivons de manière fragmentée et souvent confuse. »
La recherche est coordonnée par Deisy Ventura, l’une des juristes les plus respectées du Brésil, chercheuse dans le domaine des relations entre pandémies et droit international et coordinatrice du doctorat de l’USP en santé mondiale et durabilité ; Fernando Aith, professeur au Département de politique, gestion et santé de la FSP et directeur du CEPEDISA/USP, centre de recherche pionnier sur le droit sanitaire au Brésil ; Camila Lissa Asano, coordinatrice de programme à Conectas Droits Humains ; et Rossana Rocha Reis, professeure au Département de sciences politiques et à l’Institut des relations internationales de l’USP.
La ligne du temps est composée de trois axes présentés en ordre chronologique, de mars 2020 aux 16 premiers jours de janvier 2021 : 1. les actes réglementaires de l’Union, y compris la rédaction de normes par les autorités et agences fédérales et les vetos présidentiels 2. les actes d’obstruction aux réponses des gouvernements des États et des municipalités à la pandémie 3. la propagande contre la santé publique, définie comme « un discours politique qui mobilise des arguments économiques, idéologiques et moraux, ainsi que de fausses nouvelles et des informations techniques sans preuve scientifique, dans le but de discréditer les autorités sanitaires, d’affaiblir l’adhésion populaire aux recommandations sanitaires fondées sur des preuves scientifiques et de promouvoir l’activisme politique contre les mesures de santé publique nécessaires pour contenir l’avancée de la Covid-19. »
Les auteurs soulignent que la publication ne présente pas toutes les normes et déclarations recueillies et stockées dans la base de données de recherche mais une sélection, qui cherche à éviter les répétitions et à présenter les plus pertinentes pour l’analyse. Les données ont été sélectionnées dans la base de données du projet « Droits dans la pandémie », la jurisprudence du Tribunal fédéral supérieur (STF) et de la Cour fédérale des comptes, ainsi que des documents officiels et des discours. Une recherche a également été effectuée sur la plateforme Google pour la collecte de vidéos, de publications et de nouvelles selon l’axe défini comme propagande.
L’analyse montre que "la plupart des décès pourraient avoir été évités grâce à une stratégie d’endiguement de la maladie, ce qui constitue une violation sans précédent du droit à la vie et du droit à la santé des Brésiliens. Et cela « sans que les dirigeants concernés soient tenus pour responsables, même si des institutions telles que le Tribunal suprême fédéral (STF) et la Cour des comptes de l’Union ont, à de nombreuses reprises, souligné la non-conformité de la conduite et des omissions conscientes et volontaires des dirigeants fédéraux au système juridique brésilien. » Ils soulignent également "l’urgence de discuter en profondeur de la configuration des crimes contre la santé publique, des crimes de responsabilité et des crimes contre l’humanité pendant la pandémie de Covid-19 au Brésil.
Les actes et les discours de Bolsonaro sont connus, mais ils finissent par se diluer dans la vie quotidienne alimentée par la production de faits-divers et de fausses nouvelles, dans laquelle la guerre de la haine constitue aussi une stratégie pour masquer la cohérence et la persistance du projet qui se poursuit alors que les réseaux sociaux s’enflamment. Cette publication provoque un choc et un malaise en rendant explicite les perversités mises en pratique par Bolsonaro et son gouvernement pendant près d’un an de pandémie. L’un des principaux mérites de l’enquête est précisément d’articuler dans le calendrier les différentes mesures officielles et les discours publics du Président. De cette analyse méticuleuse émerge le plan, dont toutes les phases sont dûment documentées.
Il met aussi clairement en évidence les populations contre lesquelles les attaques sont concentrées. Outre les peuples autochtones, auxquels Bolsonaro refuse même l’eau potable, un certain nombre de mesures ont été prises pour empêcher les travailleurs de se protéger de la Covid-19 et de s’isoler. Le gouvernement étend ainsi le concept d’activités essentielles aux salons de beauté et cherche à annuler le droit à l’aide d’urgence de 600 R$ déterminé par la Chambre de députés pour différentes catégories. En même temps, il cherche à mettre en œuvre un double traitement pour les professionnels de la santé : Bolsonaro met son veto à l’ensemble du projet qui prévoit une compensation financière pour les travailleurs atteints d’un handicap suite à leurs actions de contention de la pandémie et tente d’exonérer les fonctionnaires de toute responsabilité pour les actes et omissions dans la lutte contre la Covid-19. En résumé : le travail difficile et risqué de prévention et combat d’une pandémie est découragé, l’omission, elle, est encouragée.
En retenant les ressources destinées à la Covid-19, le gouvernement sabote les soins aux patients dans le réseau public des États et des municipalités. La guerre contre les gouverneurs des Etats et les maires qui tentent de mettre en œuvre des mesures de prévention et de lutte contre le virus est constante. Par son veto, Bolsonaro annule les mesures les plus élémentaires, comme l’obligation de porter un masque dans les établissements ayant une autorisation de fonctionnement. Nombre de ses mesures et vetos sont ensuite annulés par le STF ou par le pouvoir législatif lui-même.
Autre point important : l’analyse des données montre également à quel point la situation au Brésil pourrait être encore plus tragique si le STF et d’autres instances n’avaient pas bloqué plusieurs des mesures de propagation du virus produites par le gouvernement. Malgré la fragilité dont font preuve les institutions et la société, l’effort des protagonistes pour tenter d’annuler ou de neutraliser les actes de Bolsonaro est visible. Il est possible de faire la projection du combien tous ces efforts, additionnés et associés à un gouvernement désireux de prévenir la maladie et de combattre le virus, auraient pu permettre d’éviter des décès dans un pays qui dispose du Système universel de santé (SUS). Au lieu de cela, Bolsonaro a mené une guerre dans laquelle la majeure partie de l’énergie des institutions et de la société organisée s’est épuisée à amenuiser les dommages produits par ses actions, au lieu de se concentrer sur la lutte contre la plus grande crise sanitaire du siècle.
Près d’un an après le premier cas de Covid-19, il reste à voir si les institutions et la société qui ne sont pas complices de Bolsonaro seront assez fortes pour, face à la carte des actions institutionnelles pour la propagation du virus, enfin barrer la route aux agents de diffusion de la maladie. L’utilisation de la machine étatique pour promouvoir la destruction a été décisive dans la production de la réalité actuelle de plus de 1 000 tombes ouvertes chaque jour pour enterrer des personnes qui pourraient être en vie. Dans le tiroir de Rodrigo Maia (DEM), président de la Chambre des Députés, il y a plus de 60 demandes de procès en destitution. Au sein de la Cour pénale internationale, au moins trois communications relient le génocide et d’autres crimes contre l’humanité aux actions de Bolsonaro et de membres du gouvernement en liaison à la pandémie. Les semaines à venir seront décisives pour que les Brésiliens disent qui ils sont et ce qu’ils répondront aux générations futures lorsqu’elles leur demanderont où ils étaient quand tant de gens mourraient de la Covid-19.
Voici donc les principaux points de la ligne du temps des actions de Jair Bolsonaro et de son gouvernement :
MARS
SEMAINE EPIDEMIOLOGIQUE 10 : 1-7/03/2020
Cas cumulés : 19 - Décès : 0
"Petite crise"
Une ordonnance de la Fondation nationale de l’Indien (FUNAI) tente d’ouvrir une brèche pour l’accès des non-autochtones, « à titre exceptionnel », dans le but de mener des « activités essentielles » sur les territoires des peuples isolés. La mesure vise à utiliser la Covid-19 pour créer une porte d’entrée vers les communautés qui n’ont jamais eu de contact avec des personnes non autochtones (ni avec leurs virus et bactéries) ou qui ont décidé de vivre sans contact.
Et ce qu’en dit Bolsonaro :
" En ce moment, nous traversons effectivement une crise, une petite crise. La question du coronavirus n’a rien à voir avec ce que les grands médias diffusent ou propagent dans le monde. A mon avis, c’est des histoires. "
Le 7/3, à Miami, en Floride, une région présentant un risque élevé, au moins 23 personnes de son entourage ont été infectées.
"Ce qui ne va pas, c’est cette hystérie, comme si c’était la fin du monde. Une nation comme le Brésil ne sera libre que lorsqu’un certain nombre de personnes seront infectées et créeront des anticorps".
Le 17/3, dans une interview à la radio Tupi.
"Très bientôt, les gens sauront qu’ils ont été dupés par ces gouverneurs et une grande partie des médias sur cette question du coronavirus."
Le 22/3, dans une interview à TV Record.
« En ce qui me concerne, en raison de mon passé d’athlète, si j’étais contaminé par le virus, je n’aurais pas à m’inquiéter, je ne ressentirais rien ou tout au plus, je passerais une petite grippe ou un rhume ».
Le 24/3, dans une déclaration officielle au niveau national.
"Le Brésilien doit faire l’objet d’études, il n’attrape rien. Il saute dans un égout, en sort, replonge et rien, il ne lui arrive rien."
Le 25/3, à ses fans devant le Palais Alvorada
"Le virus est là. Il va falloir l’affronter, mais l’affronter en homme, putain. Pas comme un gamin. Confrontons le virus avec la réalité. C’est la vie. Nous allons tous mourir un jour".
Le 29/3, lors d’une manifestation à Brasilia.
AVRIL
SEMAINE EPIDEMIOLOGIQUE 15 : 5-10/4
Cas cumulés : 20 818 - Décès cumulés : 699
Changement de ministre
Bolsonaro limoge le ministre de la Santé pendant une pandémie. Luiz Henrique Mandetta, en plus d’être un homme politique, est médecin. La principale raison de son limogeage est le désaccord sur le recours à la chloroquine et sur l’action conforme aux recommandations de l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS). Fin mars, selon Mandetta, le Président a commencé à s’entourer de conseillers pour contrer les données et la stratégie du ministère de la Santé : "Le Palais du Planalto a commencé à être fréquenté par des médecins bolsonaristes. (...) Il [Bolsonaro] voulait autour de lui des gens disant ce qu’il voulait entendre. (...) Jamais il n’a eu le souci de proposer la chloroquine comme un moyen de se soigner. Sa préoccupation a toujours été : « Donnons ce médicament parce qu’avec cette petite boîte de chloroquine en main, les travailleurs vont reprendre le travail, ils vont recommencer à produire. (...) Son projet de lutte contre la pandémie consiste à dire que le gouvernement a les médicaments et que celui qui les prend se portera bien. Seuls mourront ceux qui, de toute façon, devaient mourir. »
La Chambre des députés approuve l’aide d’urgence de 600 R$, mesure parlementaire qui sera associée, à tort par la plupart des bénéficiaires, à Bolsonaro, augmentant ainsi la popularité du Président.
Et ce qu’en dit Jair Messias Bolsonaro :
" T’as la trouille d’attraper le virus ? Tu plaisantes. Le virus, c’est un truc que 60, 70 % des gens vont attraper. (...) Je ne connais pas un seul hôpital qui soit bondé."
Le 2/4, à ses fans devant le Palais du Planalto.
"Cela fait 40 jours que je parle de l’utilisation de l’hydroxychloroquine dans le traitement de la Covid-19. L’utilisation de la chloroquine se révèle de plus en plus efficace".
Le 8/4, sur Twitter.
"Personne ne me privera de mon droit d’aller et venir."
Le 10/4, lors d’une marche créant un regroupement à Brasilia, en écho aux mesures d’isolement et de restriction de mouvement prises par les gouverneurs des Etats.
"On dirait que ça commence à disparaître cette histoire de virus."
Le 12/4, en vidéoconférence avec les chefs religieux pour la célébration de Pâques.
« Je ne suis pas un fossoyeur. »
Le 20/4, aux journalistes l’interrogeant, au Palais Alvorada, sur les décès causés par la pandémie.
"Et alors ? Je suis désolé. Qu’est-ce que vous voulez que je fasse ? Je m’appelle Messie, mais je ne fais pas de miracle. "
Le 28/4, au cours d’un entretien, commentant le nombre de décès en faisant référence à son deuxième prénom.
MAI
SEMAINE EPIDEMIOLOGIQUE 19 : 3-9/5
Cas cumulés : 155 939 - Décès cumulés : 3 877
Guerre aux États
Bolsonaro a recours à des décrets pour boycotter les déterminations de prévention et de lutte des États et des municipalités contre la Covid-19. Pour ce faire, il élargit la notion de ce qui constitue une activité essentielle pendant une pandémie et qui, par conséquent, peut continuer à fonctionner malgré l’aggravation de l’urgence sanitaire. Ainsi, le domaine de la construction civile, les salons de beauté et les barbiers, les salles de sports de toutes disciplines et les services industriels en général deviennent des « activités essentielles ».
Le Président tente également d’exonérer les agents publics de toute responsabilité civile et administrative pour les actes et omissions commis dans le cadre de la lutte contre la pandémie. Bolsonaro met également son veto à l’aide d’urgence de 600 R$ mensuels instituée par la Chambre de députés pour les pêcheurs artisanaux, les chauffeurs de taxi, les chauffeurs-routiers, les chauffeurs de transport scolaire, les chauffeurs-livreurs, les professionnels indépendants de l’éducation physique, les vendeurs de rue et de marché, les serveurs, les nounous, les manucures, les coiffeurs et les enseignants non titulaires. Selon la loi votée par le Parlement, ces catégories professionnelles devraient faire l’objet d’une aide d’urgence, afin qu’elles puissent s’isoler pour se protéger du virus.
Le nouveau ministre de la Santé, le médecin Nelson Teich, démissionne : "Je ne souillerai pas mon histoire à cause de la chloroquine. Le général Eduardo Pazuello prend le poste à titre intérimaire. Lors d’une cérémonie officielle, le militaire déclare qu’avant de prendre ses fonctions, « il ne savait même pas ce qu’était le SUS ». La militarisation du ministère s’étend encore davantage. Un protocole du ministère de la Santé détermine l’utilisation de la chloroquine pour tous les cas de Covid-19, médicament qui s’est avéré inefficace dans la lutte contre le nouveau coronavirus.
Bolsonaro déclare la guerre aux gouverneurs des Etats. Le Conseil national de la santé (CNS) dénonce le fait que plus de 8 milliards de réaux (1,3 milliard de dollars US) destinés à la lutte contre la pandémie ne sont plus reversés aux États et aux municipalités, qui souffrent d’un manque d’intrants de base, de respirateurs et de lits. Le CNS lance le programme "Reversez l’argent immédiatement !
Et ce qu’en dit Bolsonaro :
"J’aimerais que tout le monde reprenne le travail, mais ce n’est pas moi qui décide de cela, ce sont les gouverneurs et les maires".
Le 1/5, en direct pour la Fête du travail.
« C’est une névrose. 70 % de la population va attraper le virus. Je n’y peux rien. C’est fou. »
Le 9/5, lors d’une sortie en jet ski sur le lac Paranoá, à Brasilia.
" Si c’est ça, c’est la guerre. Si vous voulez, je viens à São Paulo. Vous devez vous battre contre votre gouverneur "
Le 14/5, lors d’une vidéoconférence organisée par la Fédération des industries de l’État de São Paulo (FIESP), invitant les entrepreneurs à se battre contre le confinement «
Les gens de droite prennent de la chloroquine, les gens de gauche de la Tubaína. [1] »
Le 19/5, dans une interview au blog de Mano.
"Je suis désolé pour les morts, mais c’est la réalité. Tout le monde va mourir ici. Il ne restera plus personne. (...) Et si vous mourez en pleine campagne, vous finirez dépecé par les vautours. (...) Pourquoi faire régner la terreur sur les gens ? Tout le monde va mourir. Ceux qui sont vieux et faibles, s’ils attrapent le virus, auront des difficultés. Ceux qui ont des maladies, des comorbidités, auront aussi des difficultés. Tous ces gens qui doivent être isolés par leurs familles, l’État n’a pas les moyens de s’occuper de tout le monde, non."
Le 22/5, dans un discours à la sortie du Palais du Planalto.
"Cela ne peut pas continuer comme ça. On sait qu’on doit faire attention au virus, en particulier les personnes âgées, les porteurs de maladies, les gens faibles, mais [sans] bloquer toute l’économie. 70 jours de blocage de l’économie. (...) durer jusqu’à quand ?"
Le 26/5, en interview.
JUIN
SEMAINE EPIDEMIOLOGIQUE 24 : 7-13/6
Cas cumulés : 850 514 - Décès cumulés : 42 720
Effacement des données
Bolsonaro incite ses partisans à envahir les hôpitaux et filmer, sous prétexte que le nombre de patients et le taux d’occupation des lits sont gonflés. Le 3 juin, le gouvernement publie des données sur la Covid-19 en retard, après 22 heures. Le 5 juin, le site web du ministère de la Santé est mis hors service et revient le lendemain avec les informations des dernières 24 heures seulement. La tentative de dissimuler le nombre de patients et de décès de la Covid-19 est dénoncée par la presse. La société perd confiance dans les données officielles et six des principaux journaux et sites web de journalisme - G1, O Globo, Extra, O Estado de S. Paulo, Folha de S. Paulo et UOL- forment un consortium pour répertorier les données de la pandémie.
Et ce qu’en dit Bolsonaro :
« Je peux me tromper, mais, pour la plupart, personne n’a perdu la vie faute d’un respirateur ou d’un lit de soins intensifs. Il se peut qu’un cas ou un autre se soit produit. Ce serait bien, en fin de compte, si vous avez un hôpital de campagne près de chez vous, un hôpital public, que vous trouviez un moyen d’entrer et de filmer. Beaucoup de gens le font, mais il faut que plus de gens le fassent pour montrer si les lits sont occupés ou non, si les dépenses sont compatibles ou non ».
Le 10/6, en direct sur Facebook.
JUILLET
SEMAINE EPIDEMIOLOGIQUE 28 : 5-11/7
Cas cumulés : 1 839 850 - Décès cumulés : 71 469
Vetos de la perversité
Bolsonaro met son veto au port obligatoire du masque dans les établissements commerciaux et industriels, les lieux de culte, les écoles et autres lieux fermés où les gens se rassemblent. Il met également son veto à l’amende à la charge des établissements qui ne disposent pas de gel hydroalcoolique à proximité de leurs entrées, ascenseurs et escaliers mécaniques.
Bolsonaro met son veto à l’obligation des établissements en activité pendant la pandémie de fournir gratuitement des masques de protection individuelle à leurs employés et collaborateurs. Il met également son veto à l’obligation d’apposer des affiches d’information sur le bon usage des masques et la protection personnelle dans les prisons et les établissements d’enseignement.
Bolsonaro met son veto aux mesures de protection des communautés autochtones pendant la pandémie de Covid-19. Il s’agit notamment de l’accès à l’eau potable, aux produits d’hygiène et de nettoyage, aux lits d’hôpitaux et d’unités de soins intensifs, aux ventilateurs et aux dispositifs d’oxygénation du sang, aux documents d’information sur la Covid-19 et à Internet dans les villages. Il met également son veto à l’obligation de l’Union de distribuer de la nourriture aux populations autochtones pendant la pandémie sous forme de paniers de provisions, de semences et d’outils.
L’armée paie 167% de plus pour le principal apport en chloroquine, avec la justification suivante : « pour donner de l’espoir aux cœurs affligés ».
Critiquant la militarisation du ministère de la Santé, le président du STF, Gilmar Mendes, définit la réponse du gouvernement fédéral à la pandémie comme un « génocide » : « Nous ne pouvons plus tolérer la situation produite au sein du ministère de la Santé. (...) Il faut le dire très clairement : l’armée s’associe à ce génocide, ce n’est pas raisonnable. Il faut y mettre un terme ».
Et ce qu’en dit Bolsonaro :
"Vous l’aurez tous un jour [la covid-19]. De quoi avez-vous peur ? Faites face. Je suis désolé pour les morts. Des gens meurent chaque jour de causes diverses. C’est la vie".
Le 30/7, en plein milieu d’une manifestation à Bagé, Rio Grande do Sul.
AOÛT
SEMAINE EPIDEMIOLOGIQUE 32 : 2-8/8
Cas cumulés : 3 012 412 - Décès cumulés : 100 477
Attaque au vaccin
Bolsonaro met son veto au projet de loi qui détermine les indemnités financières versées par l’Union aux professionnels de la santé et aux travailleurs handicapés à la suite d’une action de lutte contre la Covid-19.
Le gouvernement Bolsonaro ignore la proposition de Pfizer, qui garantit la livraison du premier lot de vaccins, le 20 décembre 2020.
Le ministère de la Santé rejette le don, d’au moins 20 000 kits de test PCR pour la Covid-19, de LG International, deux mois après l’offre.
Et ce qu’en dit Bolsonaro :
"Je suis la preuve vivante que [la chloroquine] est efficace. De nombreux médecins préconisent ce traitement. Nous savons que plus de 100 000 personnes sont mortes au Brésil. Si elles avaient été traitées avec ce médicament, ces vies [sic] auraient pu être évitées".
Le 13/8, lors d’une inauguration de travaux au Pará.
"À mon avis, toutes proportions gardées, je ne connais personne au monde qui ait fait face à ce problème mieux que notre gouvernement".
Le 19 août, lors de la signature des mesures provisoires d’accès au crédit pour les micros et petits entrepreneurs.
"Si elle [la chloroquine] n’avait pas été politisée, beaucoup plus de vies auraient pu être sauvées parmi les 115 000 que le pays a perdues jusqu’à présent. (...) Certains changent de médecin, moi, je change de ministre. Nelson Teich a été nommé ; il est resté 30 jours et, pour ne pas avoir d’autre changement, j’ai laissé un intérimaire, Eduardo Pazuello. (...) Pazuello a décidé de changer d’orientation et « en toute situation, de prescrire la chloroquine », pour que le médecin puisse avoir sa liberté."
Le 24/8, lors d’un événement appelé « Le Brésil gagne le Covid-19 » par le gouvernement.
"Quand des incapables comme vous, l’attrapent [la covid-19] les chances de survie sont bien moindres que les miennes."
Aux journalistes, lors du même évènement que la déclaration précédente.
« Personne ne peut forcer quiconque à se faire vacciner. »
Le 31/8, en conversation avec des partisans dans les jardins du Palais Alvorada.
SEPTEMBRE
SEMAINE EPIDEMIOLOGIQUE 37 : 6-12/9
Cas cumulés : 4 315 687 – Décès cumulés : 131 210
Les militaires à la Santé
Une résolution du conseil d’administration de l’Agence Nationale de Surveillance de la Santé (ANVISA) rend la prescription d’Ivermectine et de Nitazoxanide encore plus souple, dispensant d’ordonnance la vente en pharmacie. Les médicaments sont vantés par le gouvernement comme étant efficaces contre la Covid-19, mais des études scientifiques montrent qu’ils ne réduisent pas la gravité de la maladie ni n’empêchent la mort des patients. Le général Eduardo Pazuello est confirmé comme ministre de la Santé.
Et ce qu’en dit Bolsonaro :
"Nous sommes pratiquement en train de vaincre la pandémie. Le gouvernement a tout fait pour en minimiser les effets négatifs, en aidant les maires et les gouverneurs des Etats dans leurs besoins en matière de santé.
Le 9/11, lors d’un rassemblement à Bahia.
OCTOBRE
SEMAINE EPIDEMIOLOGIQUE 41 : 4-10/10
Cas cumulés : 5 082 637 - Décès cumulés : 150 198
"Vaccin chinois"
Bolsonaro affirme que la pandémie a été surdimensionnée ; il ment en disant que la chloroquine garantit une guérison à 100% si elle est utilisée dès le début des symptômes et annule l’achat de 46 millions de doses du vaccin chinois Coronavac par le ministère de la Santé : « Le peuple brésilien ne sera le cobaye de personne. »
Et ce qu’en dit Bolsonaro :
"Nous sommes entrés en 2020, et nous avons eu le problème de la pandémie qui, à mon avis, fut surdimensionné."
Le 14/10, lors d’une cérémonie officielle.
"Au Brésil, la prise de chloroquine, au début des symptômes, permet une guérison à 100%."
Le 24/10, à des visiteurs français, devant le Palais Alvorada.
« Vaccination obligatoire, ici, seulement pour Faísca. »
Le 24 octobre, sur Twitter, en photo avec son chien, nommé Faísca.
"Tout le monde dit que le vaccin qui a pris le moins de temps jusqu’à présent, a pris quatre ans. Je ne vois pas pourquoi cela devrait aller plus vite pour celui-là..."
Le 26 octobre, au cours de sa conversation matinale avec ses partisans, à la sortie du Palais Alvorada.
"La pandémie touche à sa fin [au Brésil]. Je pense que [João Doria, gouverneur de São Paulo] veut forcer tout le monde à se faire vacciner, à toute allure, parce que la pandémie touche à sa fin." Et puis il ajoute : « C’est fini à cause de mon vaccin. Ce qui est en train de finir, c’est certain, c’est son gouvernement (...) Qu’est-ce que je pense en ce qui concerne la pandémie ? Elle est en train de finir, c’est déjà arrivé, on lit des livres d’histoire. »
Le 30/10, dans des déclarations diffusées par un site bolsonariste
NOVEMBRE
SEMAINE EPIDEMIOLOGIQUE 45 : 1-7/11
Cas cumulés : 5 653 561 - Décès cumulés : 162 269
Production de mensonges
Malgré tous les faits et données contraires, Bolsonaro affirme que le Brésil est l’un des pays qui a le moins souffert de la pandémie. Il continue d’attaquer le vaccin.
Et ce qu’en dit Bolsonaro :
"Cette histoire de deuxième vague, est-elle vraie ou non ? Ou est-ce juste pour détruire l’économie pour de bon" ? (...)Je profite de l’occasion, des élections municipales... Les gens ne donnent pas beaucoup de poids au conseiller municipal et au maire, mais il est important de s’en inquiéter et de bien voter. Le maire qui a tout fait fermer, si vous pensez qu’il a bien fait, il faut le réélire. Sinon, changez-en. (...) Le secteur touristique est par terre, non ? Qui a obligé à tout fermer, à rester à la maison ? Ce n’était pas moi, n’est-ce pas ? Pour que les choses soient claires, qui a détruit les emplois au Brésil ?"
Le 11/9, sur YouTube
"Tout est pandémie aujourd’hui. Il faut arrêter avec ça, merde. Je suis désolé pour les morts. Nous allons tous mourir un jour. Inutile de fuir cela, de fuir la réalité. Il faut arrêter d’être un pays de pédés, merde."
Le 10/11, pendant une cérémonie officielle.
TEMPS FORTS/VACCINATION
"La mort, l’invalidité, l’anormalité. Voilà le vaccin que [João] Doria voudrait obliger tous les habitants de l’Etat de São Paulo à prendre. Le président a déclaré que le vaccin ne pourrait jamais être obligatoire. Une de plus que Jair Bolsonaro gagne."
Le 10/11, sur Facebook, pour célébrer la suspension des essais du vaccin Coronavac.
"La question du masque, vous allez encore avoir une étude sérieuse sur l’efficacité du masque ... c’est le dernier tabou à tomber"
Le 26/11, en direct.
DECEMBRE
SEMAINE EPIDEMIOLOGIQUE 50 : 6-12/12
Cas cumulés : 6 880 127 - Décès cumulés : 181 123
Quel est le plan ?
Bolsonaro annonce qu’il ne se fera pas vacciner et agit pour créer la panique dans la population, en faisant référence à de terribles effets secondaires. En réponse à l’interrogation du STF, le ministère de la Santé présente le Plan national de mise en œuvre de la vaccination. Cependant, le gouvernement n’a toujours pas de vaccin à proposer ni de calendrier fiable pour la vaccination. Onze anciens ministres de la Santé de différents partis publient un article dénonçant « la conduite désastreuse et inefficace du ministère de la Santé en ce qui concerne la stratégie brésilienne de vaccination de la population contre la Covid-19 ». Il n’existe toujours pas de plan d’urgence pour les populations autochtones. Le ministre Luís Roberto Barroso, du STF, déclare : "Il est impressionnant qu’après presque 10 mois de pandémie, l’Union n’ait pas atteint le minimum : proposer un plan avec ses éléments essentiels, situation qui continue d’exposer la vie et la santé des populations autochtones.
Et ce qu’en dit Bolsonaro :
"Nous vivons une petite fin de pandémie."
10/12, lors de l’inauguration d’un ouvrage, à Porto Alegre.
"Je ne vais pas me faire vacciner, un point c’est tout. Ma vie est-elle en danger ? C’est mon problème."
15/12, lors d’une « visite technique » organisée par la présidence de la Companhia de Entrepostos e Armazéns Gerais de São Paulo - CEAGESP, qui a réuni des centaines de ses supporters, la plupart sans masque.
" Il est écrit en plein milieu de cette notice que l’entreprise n’est responsable d’aucun effet secondaire. Cela allume une lumière jaune. On commence à demander aux gens : « Vous allez prendre ce vaccin ? »
16/12, en interview.
"Dans le contrat de Pfizer, il est très clair... Nous [Pfizer] ne sommes pas responsables des effets secondaires. Si vous vous transformez en alligator, c’est votre problème (...) Si vous devenez Superman, si de la barbe pousse chez une femme ou si un homme commence à parler comme une fille, ils [Pfizer] n’ont rien à voir avec ça."
18/12
"La pandémie, en effet, touche à sa fin. Nous avons maintenant une petite hausse, qu’on appelle un petit rebond qui peut se produire, mais la hâte pour le vaccin n’est pas justifiée. (...) Ils vont vous inoculer quelque chose. Votre système immunitaire peut réagir, même de manière inattendue."
19/12, dans une interview accordée à une émission d’un de ses fils sur YouTube.
JANVIER 2021, jusqu’au 16
SEMAINE EPIDEMIOLOGIQUE 2-10-16/1
Cas cumulés : 8 455 059 – Décès cumulés : 209 296
Morts par asphyxie
Le ministère des Affaires Etrangères affirme avoir acheté 2 millions de doses du vaccin AstraZeneca/Oxford à l’Inde. Dans les jours suivants, le gouvernement fédéral a organisé une grande opération de propagande, comprenant une couverture médiatique massive comprenant un Airbus de la compagnie Azul Linhas Aéreas, qui allait faire un « voyage historique » avec le slogan : « Vaccination - Le Brésil immunisé - Nous sommes une seule nation ». Bolsonaro a même envoyé une lettre au Premier ministre indien demandant en urgence des doses, mais l’opération est suspendue par l’Inde. Face à l’effondrement sanitaire à Manaus, avec des patients mourant par manque d’oxygène dans le réseau hospitalier, le ministre de la Santé, général de l’actif Eduardo Pazuello, déclare : « Qu’allez-vous faire ? Rien. Vous et tous les autres attendrez l’arrivée de l’oxygène à distribuer. »
Bolsonaro met son veto à une partie de la loi complémentaire n° 177 du 12/1/20, approuvée à une large majorité au Sénat (71 x1 voix) et à la Chambre des députés (385 x 18 voix). Selon l’agence FAPESP, les vetos présidentiels soustraient 9,1 milliards de réaux aux investissements dans la science, la technologie et l’innovation cette année, empêchant ainsi le Brésil de développer un vaccin contre la Covid-19, alors qu’il dispose d’infrastructures et de ressources humaines suffisantes. Les milieux universitaires et commerciaux se mobilisent pour renverser les vetos.
Et ce qu’en dit Bolsonaro :
"Le Brésil est ruiné, mec. Je ne peux rien faire. J’ai voulu jouer sur le régime de l’impôt sur le revenu, ok, y a eu ce virus, renforcé par les médias que nous avons, ces médias malhonnêtes."
le 5/1, à la sortie du Palais du Planalto.
Le président Jair Bolsonaro ne cesse de répéter que le STF a interdit au gouvernement fédéral d’agir dans la gestion de la pandémie, que cette responsabilité serait laissée aux États et aux municipalités. Le STF s’est toutefois prononcé contre les propos du Président en déclarant que cette décision ne le déchargeait pas de ses responsabilités. Bolsonaro insiste également sur le fait que les mesures d’isolement social ne peuvent prévaloir sur le fonctionnement de l’économie, sous peine d’aggraver la situation générale du pays. Le gouvernement a souligné qu’il a promu, avec l’aide d’urgence, l’un des plus grands programmes d’aide financière au monde pour les plus vulnérables, qui s’est terminé en décembre.
Le ministère de la Santé affirme avoir soutenu les États et les municipalités par le transfert de ressources et d’intrants tout en soutenant un discours selon lequel le traitement précoce de la Covid-19, avec des médicaments dont l’efficacité n’est pas prouvée, est capable d’empêcher une aggravation de la maladie.
Voir en ligne : El Pais : "Pesquisa revela que Bolsonaro executou uma “estratégia institucional de propagação do coronavírus”"
[1] Tubaína est un soda populaire à base de fruits. Le président se moque des Brésiliens qui contractent le virus, avec ce jeu de mots qui signifie que ceux qui ne prennent pas la chloroquine seront intubés.