Le corps humain est une éponge à plastiques. Poumons, intestin, foie, placenta, sperme, testicules, sang, moelle épinière … Ces dernières années, de nombreuses études ont alerté sur une présence généralisée de ces polymères polluants dans nos organes. Les microplastiques auraient même réussi à se frayer un chemin jusqu’au cerveau, s’y accumulant bien plus que dans d’autres tissus tels que les reins et le foie, selon des travaux récents réalisés aux Etats-Unis. Ce lundi, une nouvelle étude de chercheurs de l’université de São Paulo (Brésil) publiée dans la revue médicale Journal of the American Medical Association fait le même constat et suggère que cette matière pénètre en profondeur dans le cerveau quand nous respirons.
En disséquant la matière grise de quinze résidents de Sâo Paulo, les chercheurs ont retrouvé dans la majorité des cas des fibres et particules de plastique dans le bulbe olfactif, une région du cerveau qui se situe au-dessus de la cavité nasale. La taille de ces particules paraît cependant étonnamment grande, réagit auprès de Libération un chercheur français qui n’a pas participé à l’étude. Le type de plastique le plus présent dans les cerveaux étudiés par les chercheurs brésiliens est le polypropylène, un matériau très résistant utilisé dans les emballages alimentaires, les moquettes et les articles d’ameublement.
Air intérieur pollué
«Cette étude montre que la voie olfactive est une voie d’entrée potentielle majeure pour le plastique dans le cerveau, ce qui signifie que la respiration dans les environnements intérieurs pourrait être une source majeure de [cette] pollution», avertit dans un communiqué Thais Mauad, un des principaux auteurs de l’étude.
L’air intérieur est pointé du doigt, car il renferme une plus grande concentration en microplastiques qu’en extérieur. «Le frottement, le simple fait de mettre ses habits, de bouger, de marcher sur des tapis produit des petits bouts de fibres qui partent dans l’atmosphère de la maison», avait expliqué à Libération Bruno Tassin, directeur de recherche à l’école des Ponts ParisTech. Les chercheurs brésiliens précisent dans leur étude que «bien que la voie olfactive semble être une voie d’exposition probable, nous ne pouvons pas écarter la possibilité de voies d’entrée multiples» du plastique dans le cerveau, comme via la circulation sanguine. Les auteurs invitent à poursuivre les recherches sur les conséquences sanitaires d’une telle exposition aux microplastiques et pour mieux comprendre comment ces particules arrivent à pénétrer dans le cerveau humain. Leur présence pourrait augmenter le risque de cancer, de maladies neurodégénératives et d’infertilité, ou encore porter atteinte au système immunitaire.
«Les scientifiques ne cessent de lever le voile sur les effets dangereux du plastique sur la santé humaine. Le doute n’est plus permis», urge dans un communiqué Maria Westerbos, fondatrice de la Plastic Soup Foundation et cofondatrice du Plastic Health Council, un groupe de scientifiques et de militants qui se battent pour que le traité mondial des Nations unies sur les plastiques, en cours de discussion, prenne en compte l’impact du plastique sur la santé humaine. L’occasion aussi de mettre un peu plus la pression sur les dirigeants, à quelques mois des négociations finales du traité, pour qu’une réduction massive des volumes produits soit enfin actée. La production de plastique dans le monde a plus que doublé entre 2000 et 2019, pour atteindre 460 millions de tonnes, selon l’OCDE. Et si rien n’est fait, la production mondiale triplera encore d’ici à 2060.