La démence est un terme générique qui désigne un déclin des aptitudes mentales assez grave pour interférer avec la vie quotidienne. A l’heure actuelle, elle concernerait plus de 55 millions de personnes dans le monde. En France, près de 2% de la population française serait touchée par une maladie neurodégénérative, soit près d'1,3 million de personnes dont 80% seraient atteintes d' Alzheimer. Si aucun traitement ne peut venir à bout de la démence, de nombreux chercheurs travaillent à l’identifier plus tôt, à ralentir sa progression et à apaiser les symptômes. Pour prévenir les risques, il est recommandé de maintenir des liens sociaux forts tout au long de la vie, de pratiquer des activités stimulantes intellectuellement, mais également de faire du sport régulièrement. Aujourd’hui, une étude parue dans la revue Nature prône l’intérêt de la musculation pour retarder le déclin cognitif.
Pour en arriver à cette conclusion, les chercheurs ont recruté 44 adultes de 55 ans ou plus ayant été diagnostiqués d’une déficience cognitive légère. Ils ont été partagés en deux groupes. Le premier a participé à un programme d’exercices de résistance avec des séances d’intensité modérée à élevée deux fois par semaine. Le poids ou les séries augmentaient au fur et à mesure que les muscles de participants se renforçaient. Le second n’a quant à lui pas réalisé d’exercices.
Résultats ? Après six mois, les personnes ayant réalisé des exercices de musculation présentaient une amélioration de la mémoire épisodique verbale fiable. A contrario, les autres montraient des signes d’aggravation des paramètres cérébraux.
« Prévenir le développement de l’atrophie dans les régions liées à Alzheimer »
« Nous avons choisi d’étudier l’entraînement en résistance parce que son objectif principal est d’augmenter la force musculaire, ce qui est particulièrement important chez les personnes âgées, explique Isadora Ribeiro au site Medical News Today. La recherche a montré qu’une plus grande force musculaire est associée à un risque plus faible de démence et à une meilleure fonction cognitive. Par conséquent, l’étude de l’impact de l’entraînement en résistance sur l’anatomie cérébrale des personnes âgées à risque de démence est une approche prometteuse et pertinente. »
Pour la chercheuse, les résultats de l’étude suggèrent que la « musculation peut non seulement aider à augmenter la cognition, mais également prévenir le développement de l’atrophie dans les régions liées à la maladie d’Alzheimer - retardant potentiellement la progression ou même prévenant l’apparition de la démence ».
« Le fait que nous ayons observé des changements dans l’intégrité de la substance blanche indique que l’entraînement en résistance peut affecter directement la structure anatomique des neurones, ce qui est essentiel pour une communication efficace entre les régions du cerveau, soutenant la mémoire, l’attention et la fonction cognitive globale », détaille-t-elle.
« La musculation peut modifier la trajectoire clinique »
Mieux encore, à la fin de l’étude, cinq participants du groupe de musculation ne présentaient plus de déficience cognitive légère. « Cela suggère que la musculation peut modifier la trajectoire clinique des personnes atteintes de troubles cognitifs légers, les faisant passer d’un risque accru de démence à une cognition préservée à la fin de l’étude », se félicite Ribeiro. « Même dans un petit échantillon, le fait que plusieurs participants aient montré une amélioration de la santé cognitive après l’intervention est une indication encourageante des effets protecteurs potentiels de ce type d’exercice. »
Comment expliquer cela ? « La musculation peut réduire l’inflammation, améliorer la sensibilité à l’insuline et augmenter les niveaux de facteurs neurotrophiques comme le BDNF (facteur neurotrophique dérivé du cerveau), qui soutiennent la croissance et la survie des neurones. Il améliore également la santé cardiovasculaire et le flux sanguin cérébral, qui sont tous importants pour le maintien des fonctions cérébrales. Ces changements physiologiques contribuent à réduire les principaux facteurs de risque de démence, tels que l’obésité, les maladies cardiovasculaires et le diabète. De plus, l’exercice physique stimule la libération d’irisine, une hormone associée à la neuroprotection et à l’amélioration de la plasticité cérébrale », explique Isadora Ribeiro. Et de conclure : « Nous prévoyons d’explorer les mécanismes moléculaires à l’origine de ces effets, notamment biomarqueurs liés à la neuroplasticité, à l’inflammation et à la neurodégénérescence ».
Le sport renforce la plasticité du cerveau
Plusieurs études ont déjà démontré l’importance de l’activité physique sur la santé cérébrale. En février, une équipe de recherche d’Insight 46 financée par Alzheimer's Research UK et le Medical Research Council, s’est intéressée à 468 septuagénaires.
Ces derniers ont passé des scanners cérébraux et renseigné les chercheurs sur leurs habitudes sportives sur les 30 dernières années. Il s’est avéré que les plus actifs d’entre eux étaient ceux qui souffraient le moins d’un rétrécissement de l’hippocampe, impliquée dans le développement de la démence. Les chercheurs ont également identifié que le sport avait un meilleur impact chez les femmes que chez les hommes. Pour ceux qui souffraient de l’amas de protéine amyloïde (responsable de la démence), il était également très bénéfique.
Pour le docteur Vikram Murthy, médecin et cofondateur de la clinique Harley St Murthy Health, c’est parce que plus on pratique une activité physique, plus le cerveau gagne en plasticité. L’essentiel étant que le sport augmente notre rythme cardiaque sans pour autant être très intense, insistait-il.