Tout au long des millénaires qui ont précédé la colonisation européenne de l'Amérique, les indigènes ont déplacé des montagnes de terre pour créer des constructions dans toute la région de la forêt amazonienne, dont beaucoup restent encore à découvrir, indique Scientific American, qui reprend les résultats de nouvelles recherches publiées récemment.
L'étude menée par une équipe de plus de 200 scientifiques identifie deux douzaines de sites où des quantités massives de terre ont formé des géoglyphes (grandes figures tracées au sol) circulaires et rectangulaires, des établissements et des sites religieux. En se basant sur ces découvertes, les chercheurs ont estimé qu'il restait un nombre considérable de ces constructions, probablement cachées quelque part sous la forêt, encore inexplorées.
Une zone définie par l'interaction de l'humain avec la nature
«Au début, il s'agissait d'un coup d'épée dans l'eau; nous ne savions pas du tout si nous allions trouver quelque chose», explique Vinícius Peripato, doctorant en télédétection à l'Institut national de recherches spatiales du Brésil et coauteur principal de cette nouvelle étude.
Les chercheurs ont utilisé la modélisation informatique pour analyser les sites de terrassement connus et estimer leur répartition à travers l'Amazonie. Ces travaux ont pris en compte une série de facteurs géographiques tels que la distance par rapport à l'eau, l'altitude et le type de sol. Ils ont permis d'estimer qu'il existe au moins 10.000 ouvrages de terrassement –peut-être même deux fois plus– cachés dans l'Amazonie. À ce jour, les scientifiques n'ont trouvé qu'un millier de sites de ce type.
L'importance de l'étude ne réside pas tant dans le nombre précis de sites que dans l'ampleur de l'implication humaine dans la forêt amazonienne. Selon Eduardo Neves, archéologue à l'Université de São Paulo au Brésil, l'Amazonie n'est pas une région «naturelle» produite uniquement par des plantes et des animaux, mais plutôt une zone «bioculturelle» définie par l'interaction de l'être humain avec la nature. «La perception populaire selon laquelle l'Amazonie est une vaste étendue sauvage est encore très répandue, mais ce n'est pas vraiment le cas», remarque Takeshi Inomata, archéologue à l'Université de l'Arizona.
Ces découvertes soutiennent les théories selon lesquelles l'Amazonie, qui couvre une immense partie de l'Amérique du Sud, était densément peuplée avant la colonisation. Elles pourraient renforcer les efforts politiques visant à défendre la souveraineté moderne des habitants indigènes de la forêt.
Repéré sur Scientific American